Henri Plée (1923-2014),
pionnier du karaté en France, sous la forme d’un roman vivant, presque comme si c’était une épopée — une destinée d’homme traversée par l’Histoire, les voyages et les combats intérieurs.
Roman d’Henri Plée – Le Samouraï de Paris
Dans le Paris des années vingt, un enfant naît dans une France encore marquée par la Grande Guerre. Henri Plée. Un nom simple, mais derrière lequel se cache un destin hors du commun. Très tôt, son regard s’échappe des salles de classe pour se tourner vers l’ailleurs : les arts, l’aventure, le monde. Paris bruisse déjà d’exotisme, et l’Orient mystérieux l’attire comme un aimant.
Jeune homme, il cherche la force et la discipline. La guerre de 39-45 le secoue. Le monde vacille, et lui avec. Mais au lieu de s’enliser dans la désillusion, Henri choisit la voie du corps et de l’esprit. Il découvre la boxe, l’escrime, la lutte, mais aucune ne satisfait totalement son besoin d’harmonie et de dépassement. Alors il lit, il cherche. C’est là qu’il croise les premiers échos du budo venu du Japon.
Un jour, presque par hasard, il rencontre le judo. Puis le karaté. Pour lui, c’est un choc. Le Japon s’invite dans sa vie : non pas un Japon de carte postale, mais un Japon exigeant, fait de sueur, de rituels, de kata mystérieux. C’est décidé : il ira plus loin que personne.
Henri Plée devient un explorateur de l’esprit martial. Dans les années 1950, il ouvre à Paris le Dojo de la Montagne Sainte-Geneviève, premier dojo de karaté en France. À l’époque, personne n’y croit. Le karaté n’est qu’un mot étrange, un art de coups de poing et de cris bizarres. Mais Henri, lui, voit plus loin : il sent que cette discipline est une clé. Chaque soir, dans le froid parisien, il enseigne à quelques passionnés. Les premiers élèves s’entraînent pieds nus sur un parquet dur, sans confort. L’ambiance est rude, spartiate, mais magique.
Peu à peu, des maîtres japonais arrivent en France. Henri les accueille, les loge, les accompagne : Taiji Kase, Hiroo Mochizuki, Tsutomu Ohshima… Le dojo devient un carrefour. C’est le point de départ d’une véritable révolution culturelle. Henri Plée, déjà surnommé « le Père du karaté européen », transmet avec patience mais aussi exigence. Sa réputation grandit : il est dur, parfois cassant, mais toujours juste.
Dans le silence de son bureau, il écrit. Ses livres deviennent des bibles : Le Karate-dô, Les Maîtres et les Doctrines de l’Extrême-Orient… Ses mots sont aussi des ponts entre l’Orient et l’Occident. À travers eux, il ne transmet pas seulement des techniques de combat, mais une philosophie de vie : rigueur, courage, humilité.
Mais derrière le maître, il y a l’homme. Solitaire parfois, visionnaire souvent, Henri se bat contre les illusions, les modes, les dérives commerciales. Il veut que le karaté reste un chemin (dô 道), pas une simple compétition. Son dojo est un sanctuaire, mais aussi un champ de bataille intérieur. Ceux qui l’ont connu racontent son regard perçant, capable de sonder un élève en un instant.
Les années passent. Le petit cercle d’initiés devient une communauté. Puis un mouvement national. Enfin, une Europe entière. À plus de 90 ans, Henri continue d’écrire, de méditer, d’enseigner. Son corps vieillit, mais son esprit reste celui d’un guerrier. Dans ses derniers jours, il confie encore que le karaté n’est pas une affaire de poings ou de pieds, mais une voie vers soi-même.
En 2014, il s’éteint. Mais son héritage demeure : chaque karatéka qui salue avant un kata en France, chaque dojo où l’on répète oss! avec respect, est un fragment de son rêve.
Henri Plée ne voulait pas être une légende. Il voulait être un passeur. Et c’est sans doute pour cela qu’il est devenu immortel.

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