Une leçon avec Ankō Itosu

 


Le soleil d’Okinawa se lève sur la cour sablonneuse de l’école. Les élèves se tiennent alignés, les pieds ancrés, les yeux fixés sur le vieil homme à la barbe blanche. Itosu avance lentement, ses mains derrière le dos, observant chaque posture.
« Pinan yondan ! » ordonne-t-il d’une voix ferme mais douce.
Les jeunes s’élancent, les bras frappant l’air, les pas frappant le sol. Le sable crisse sous les déplacements.
Itosu les arrête d’un geste de la main.
« Non, non. Écoutez bien. »
Il s’avance vers un garçon qui vient d’exécuter un gedan barai trop raide.
« Ne chasse pas la main comme on chasse une mouche. Le gedan barai est une racine. Ton bras est une branche, ton corps est le tronc. Tout doit naître du hara, du ventre. Respire, abaisse tes épaules, détends les doigts avant d’armer le mouvement. »
Il recule d’un pas, croise les bras, puis ajoute avec un demi-sourire :
« Si ton corps est rigide, ta technique sera morte. Si ton corps est fluide, ton blocage sera vivant. »
Les élèves reprennent. Cette fois, le mouvement coule comme de l’eau.
Ses conseils techniques sur les Pinan
Sur les positions (dachi)
Itosu insiste : « La stabilité est la mère de la puissance. Dans zenkutsu dachi, ne pousse pas ton genou trop loin : enracine-toi comme le bambou, solide mais souple. Dans kiba dachi, ouvre les hanches et détends la taille : c’est là que naît l’énergie. »
Sur la respiration (kokyū)
« Ne fais pas de ton souffle un bruit. Inspire comme si tu emplissais la mer. Expire comme si tu la laissais repartir. La respiration gouverne le rythme du kata. Sans rythme, il n’y a pas de vie. »
Sur l’intention (zanshin)
« Chaque geste doit être combat. Le Pinan n’est pas une danse. Même quand tu élèves ton bras pour un age uke, vois l’ennemi devant toi, ressens son attaque, brise-la dans ton esprit. »
Une citation d’Itosu
Il s’arrête devant tout le groupe et, comme souvent, reprend un de ses conseils qu’il a écrit dans ses fameuses lettres :
« Le karaté n’est pas seulement pour ton bénéfice personnel. Il doit être utilisé pour protéger ta famille, pour servir ton pays et pour faire respecter la justice. »
Les élèves baissent la tête, absorbant ces mots plus encore que les techniques.
Retour à la pratique
Itosu fait signe de recommencer. Cette fois, il guide avec son propre corps. Lentement, il exécute Pinan Shodan. Ses bras se déploient avec une précision absolue, mais sans la moindre tension inutile. Son regard transperce l’espace, comme si un adversaire invisible se tenait devant lui.
Il s’arrête, puis dit :
« Répétez cent fois, mille fois. Mais souvenez-vous : ne cherchez pas la force par la force. Cherchez la justesse. La force viendra d’elle-même. »
Et dans ce silence rempli de discipline et de respect, les Pinan résonnent, non pas comme de simples katas d’école, mais comme des clés vivantes de tout un art.

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