Tetsuhiko Asai (浅井 哲彦)

 



Dans les brumes éternelles de l'île de Shikoku, au cœur de la préfecture d'Ehime, naquit un enfant le 7 juin 1935, sous le nom de Tetsuhiko Asai. Fils aîné d'une fratrie de sept, il grandit sous l'ombre vigilante d'un père policier, maître en judo, kendo et sojutsu. Dès ses premiers pas, le jeune Tetsuhiko fut initié à ces arts anciens, où la lance sifflait comme un vent furieux et le corps apprenait à danser avec la douleur. Mais le sumo, avec ses géants qui ébranlaient la terre, captura aussi son esprit enfantin, forgeant en lui une force brute, un roc inébranlable.
Ah, mais écoutez le vent murmurer les leçons du dojo :
Dans la chute, trouve la montée ; dans la force de l'autre, sculpte la tienne.
Car la vie martiale enseigne que la véritable puissance naît non de la victoire facile, mais de l'étreinte avec l'adversité.
À l'âge de douze ans, un soir d'après-guerre où la faim et la ruine hantaient les rues du Japon, Tetsuhiko fut témoin d'un duel impromptu : un boxeur occidental, poings d'acier, face à un karatéka anonyme. Le coup de pied foudroyant du Japonais, tel un éclair déchirant la nuit, terrassa l'adversaire. Ce fut l'étincelle. Le garçon, frêle mais ardent, jura de dompter cette force invisible, ce ki qui pulse dans les veines comme un fleuve en crue. Il s'engagea sur la voie du karaté, où chaque frappe est une prière, chaque blocage une méditation sur l'impermanence.
Les années filèrent comme des katas exécutés à l'aube. En 1953, Asai entra à l'université Takushoku, sanctuaire du Shotokan fondé par Gichin Funakoshi. Sous les yeux sévères de Masatoshi Nakayama, il s'entraîna avec une ferveur qui consumait les nuits. Sur cent cinquante aspirants, seuls quelques-uns survécurent au feu de l'épreuve ; Asai, lui, dormait au dojo, son corps marqué de bleus comme un parchemin d'histoires non dites. Diplômé en 1958, il plongea dans le programme des instructeurs de la Japan Karate Association, émergent en 1961 tel un phénix, plumes d'acier et esprit affûté.
Et voici la poésie de la persévérance :
Le dojo est un miroir brisé ; recolle les éclats avec ta sueur, et tu verras ton vrai visage.
La leçon martiale ? L'entraînement n'est pas punition, mais alchimie : transforme la faiblesse en arme, la fatigue en vigilance éternelle.
Les arènes de compétition devinrent son théâtre. En 1961, il conquit le championnat de kumite, puis le titre suprême, maître en combat et kata. Deux ans plus tard, le kata fut sien. On le surnomma "Kaminari-Arashi", l'Orage Tonitruant, pour son style fluide, explosif, où les mouvements circulaires du kung-fu de la Grue Blanche – appris en secret lors de voyages en Chine – se mêlaient au Shotokan rigide. Ses coups n'étaient pas raides comme des branches mortes, mais souples comme des roseaux dans la tempête, sans tension superflue, pure harmonie de corps et d'esprit.
Pionnier des horizons lointains, Asai fut envoyé par la JKA à Taïwan en 1962, semant les graines du karaté sur des terres étrangères. Cinq ans à Hawaï suivirent, où il forma des disciples comme Kenneth Funakoshi, cousin éloigné du fondateur. Europe, Amérique, Asie : ses pas tracèrent un pont invisible entre les cultures, enseignant que le karaté n'est pas conquête, mais union.
Chantez maintenant l'hymne de l'innovation :
Le vent ne brise que les arbres rigides ; plie-toi, et tu danseras avec les tempêtes.
Leçon profonde : Dans les arts martiaux, la tradition est racine, mais l'innovation est la fleur ; ose fusionner les mondes, et ton style deviendra immortel.
Au sein de la JKA, il gravit les sommets : instructeur, examinateur, directeur technique. Après la mort de Nakayama en 1987, il en devint le chef jusqu'en 1999, quand une scission politique, tempête interne, le força à partir. Avec des alliés fidèles, il fonda la Japan Karate Shoto-Renmei et l'International Japan Martial Arts Karate Asai-ryu, où il infusa son essence : katas inspirés des animaux, mouvements circulaires, acrobaties défiant l'âge. Titulaire d'un 9e dan en Shotokan, et de grades en jodo, judo, jukendo et kendo, il publia des tomes sacrés en 1978, guides pour les âmes en quête.
Pourtant, l'humilité était son bouclier le plus fort. "Je ne suis pas un maître, je suis un étudiant chaque jour", répétait-il, voix douce comme une lame bien affûtée. Cette sagesse martiale ? L'ego est le pire ennemi ; reste humble, et la voie s'ouvre infiniment.
Les ombres de la maladie vinrent en 2006 : leucémie, opération du foie. Mais l'esprit du guerrier ne fléchit pas. En juin, il vola vers Taïwan pour célébrer son anniversaire avec d'anciens élèves, un dernier cercle d'amitié. Le 15 août, à 71 ans, une insuffisance cardiaque l'emporta, laissant son épouse Chen Hui-zhu et sa fille Hoshimi. Son corps s'en alla, mais son legs danse encore dans les dojos du monde : une voie de perfectionnement, où le karaté n'est pas fin, mais éternel recommencement.
Ainsi se clôt le roman de Tetsuhiko Asai, orage qui illumina les cieux martiaux. Et la leçon finale, gravée dans le silence :
La vie est un kata infini ; exécute-le avec grâce, et même la mort deviendra un pas de plus.

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