Matsumura Sōkon

 


Dans la cour du château de Shuri, un matin clair du XIXe siècle. Matsumura Sōkon, maître imposant et calme, transmet une leçon autour du kata Passai (抜塞).

La leçon de Matsumura Sōkon
Le soleil se lève sur Shuri. Les pierres blanches du château renvoient une lumière douce. Dans la cour, les élèves se tiennent en silence. Les cigales chantent dans les pins. Un vieil homme à la silhouette droite s’avance : Matsumura Sōkon. Son regard est profond, son pas léger malgré l’âge.
Il s’arrête. Ses mains fines se lèvent.
« Passai… », dit-il d’une voix grave. « Cela signifie pénétrer la forteresse. Mais n’oubliez jamais : la forteresse n’est pas seulement celle de l’ennemi. C’est aussi la vôtre. Ce kata enseigne à franchir ses propres limites. »
Il fait un pas en avant, ses pieds frappent la terre.
« Regardez. Le premier mouvement n’est pas une simple garde. C’est une intrusion. Votre hanche doit être comme un bélier. Laissez votre centre, votre tanden, guider le mouvement. Sans ça, vous frappez avec vos bras, et vous êtes vide. »
Il répète, lentement, puis brusquement accélère. Son bras s’abat comme une hache invisible. Le sol vibre sous ses pieds. Les élèves retiennent leur souffle.
Matsumura continue :
« Dans Passai, les mains ne sont pas toujours poings fermés. Regardez… »
Il ouvre sa main, tranche l’air de côté. « La main ouverte est un sabre. Elle détourne, elle frappe, elle tranche. Elle rappelle le jigen-ryū. Le kata est né de la lame autant que du poing. »
Il se tourne vers un élève, exécute la séquence latérale : blocage, pas de côté, frappe. L’élève tente de saisir, mais son équilibre s’effondre comme s’il avait été happé par une vague. Matsumura le retient d’un geste bienveillant.
« Vous devez toujours entrer. Irimi. Passai n’est pas une danse, c’est une charge. Mais la charge n’est pas brutale : elle est stratégique. Chaque déplacement est une brèche. »
Il sourit, rare éclat dans son visage austère.
« Souvenez-vous : Passai n’enseigne pas à cogner fort. Il enseigne à franchir. Quand vous sentez la peur, le doute, la muraille de l’autre… avancez. Votre souffle ouvre la voie. »
Il conclut en joignant ses mains devant lui, en silence. Le vent soulève doucement les pans de son kimono. Les élèves s’inclinent. Et dans l’air d’Okinawa flotte encore l’écho d’une forteresse franchie.

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