Kenwa Mabuni
L’écho des mains ouvertes
À Shuri, sous le ciel d’Okinawa, un enfant naît en 1889, Kenwa Mabuni. Le vent de l’île caresse ses joues, et déjà, il semble écouter les secrets du monde. Ses yeux scrutent les gestes des anciens, ses mains frôlent l’air comme pour en sentir la résistance invisible.
Dans les ruelles de Shuri, il rencontre Anko Itosu, maître du Shuri-te. Les mouvements d’Itosu sont nets comme des éclats de lumière sur l’océan : chaque tsuki, chaque balayage, est une flèche lancée dans le temps. Kenwa apprend que la précision n’est pas seulement dans le geste, mais dans la patience et la conscience. Et dans chaque kata qu’il répète, il sent que le corps devient un pinceau qui peint la force sans violence.
Mais son cœur cherche encore. Ses pas le conduisent vers Kanryo Higaonna, maître du Naha-te. Là, les mouvements tourbillonnent comme des nuages chargés d’énergie. Chaque respiration est un océan, chaque cercle une rivière qui serpente et frappe avec la douceur de la pluie et la puissance du tonnerre. Kenwa comprend que la vraie force est intérieure, qu’elle naît de la respiration et du souffle, et qu’un poing guidé par l’énergie est plus rapide que l’éclair.
Le temps passe, et Kenwa sent l’appel de l’unité. Le Shuri-te et le Naha-te ne sont plus deux chemins séparés, mais deux rivières qui se rejoignent pour nourrir un même fleuve. C’est ainsi que naît le Shitō-ryū, où chaque kata est une danse, chaque geste une parole silencieuse. Dans ses cours, il enseigne sans hâte, corrige sans reproche, et chaque élève devient un miroir de son propre esprit.
Dans ses katas, Kenwa Mabuni nous murmure :
Que la ligne droite peut être comme le vent tranchant, mais que le cercle peut être comme la mer qui enveloppe.
Que la respiration est la baguette qui dirige l’énergie et que le corps n’est rien sans l’esprit.
Que la main ouverte est plus noble que le poing fermé, car elle accueille autant qu’elle frappe.
Même quand la guerre jette son ombre, Kenwa continue à enseigner avec douceur et rigueur. Il sait que le karaté est un chemin de sagesse, un art où chaque chute devient un enseignement, chaque mouvement une prière.
Et quand il s’éteint en 1952, son souffle se mêle au vent d’Okinawa. Les katas qu’il a transmis continuent de vibrer dans chaque dojo, rappelant à tous que la force véritable n’est pas dans le combat, mais dans l’harmonie du corps, du souffle et de l’esprit (心技体, shin-gi-tai).
Ainsi, Kenwa Mabuni reste vivant, dans le murmure du vent, dans le froissement des pieds sur le tatami, dans le poing qui se lève et la main qui s’ouvre.

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